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02/06/2016

> Innovations techniques, Valorisation par les contrats

L’efficacité des contrats de consortium de recherche ou partenariats d’innovation - Partie 1

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Crédits photo : pixabay
Lorsqu’une entreprise et un laboratoire de recherche souhaitent développer un projet commun visant à innover pour développer un nouveau matériau ou procédé, elles mettent en commun leurs connaissances respectives afin de déboucher sur une innovation.

Ces projets regroupent le plus souvent une entreprise et un laboratoire de recherche.

Toutefois, il n’est pas rare que les grandes écoles et universités s’invitent à la table des négociations, à l’instar de polytechnique dans le cadre du projet porté par L’Institut Photovoltaïque d’Île-de-France, véritable exemple de collaboration stratégique : « Fruit d’un partenariat entre EDF, Total, Air Liquide, Horiba Jobin Yvon, Riber, le CNRS et l’École polytechnique, cet institut pour la transition énergétique (ITE) aura une portée internationale.

Il est prévu que les partenaires mèneront en commun des activités de recherche et développement en vue d’améliorer les performances des cellules et des modules photovoltaïques existants et de les rendre plus compétitifs. Ils développeront également de nouvelles technologies en couches minces et concepts avancés. L’IPVF sera basé sur le campus de Paris Saclay et regroupera d’ici 10 ans plus de 200 chercheurs, enseignants et étudiants.» 
https://www.polytechnique.edu/fr/des-partenariats-de-recherche-aux-multiples-formes

Dans le contexte de tels projets d’innovation, les droits et obligations des parties se doivent d’être clarifiés. Conseils en Propriété Industrielle et avocats spécialisés dans cette matière, nous sommes amenés à négocier pour nos clients et rédiger des contrats de consortium de recherche, appelés autrement des contrats de partenariat de recherche.

Si le principe en est simplissime (chacun apporte ce qu’il a -brevet, savoir-faire, outils de recherche- afin que les Parties travaillent à développer en commun le Projet dont les innovations et solutions techniques seront protégées et partagées selon les modalités prévues), l’architecture du montage juridique est plus délicate et a fortiori, son implémentation. A l’heure de savoir à qui appartiennent les brevets sur les connaissances nouvelles, les droits d’exploitation en découlant ainsi que les droits des futurs brevets sur les améliorations des connaissances nouvelles, il y a lieu de s’en référer à un contrat que l’on aura rédigé de façon extrêmement précise ; avec flair et discernement.

Généralement, la structure juridique du Projet prévoit des licences croisées d’exploitation des connaissances antérieures à des fins de recherche, des accords de licence croisés et ou de copropriété (cession mutuelle des droits de propriété intellectuelle sur les connaissances nouvelles dont les obligations de formalisme sont explicitées par l’article L. 131-3 du Code de la Propriété Intellectuelle, pour chacun des droits cédés, une mention distincte avec précision de son domaine d’exploitation, son étendue, sa durée, sa destination et son territoire géographique).

De manière relativement habituelle, les parties s’écharpent sur les dimensions technologiques de leurs contributions au Projet et surtout sur leur portée en cas de réussite ; fondement de leurs réclamations pour obtenir toujours plus de droits au détriment du cocontractant.

Pour éviter les blocages de cette nature, les contrats de consortium de recherche sont communément accompagnés d’un contrat de gouvernance lequel permet de clarifier la situation précise de chaque cocontractant et d’éviter les grincements de dents ou l’avortement pur et malheureux du Projet avant que la recherche n’ait pu déboucher sur une solution technique satisfaisante développée par les Parties. Ces contrats de gouvernance règlent les questions liées à la direction du projet, sa coordination générale et sa direction technique ainsi que les droits de vote au sein du Comité de Pilotage ; selon le dimensionnement du Projet.
Pourtant, dans la pratique, cela n’est encore pas suffisant.


La méthode d’objectivation
Un récent article porte sur une méthode nouvelle d’objectivation laquelle comporte trois outils parmi lesquels, «le tableau des Innovations majeures », «l’arbre généalogique » des technologies utilisées lors de recherche et dans l’innovation en résultant et, « le schéma interactif » permettant d’envisager les travaux de recherche ultérieurs.

Cette démarche, basée sur l’objectivité des critères, d’où son nom, a notamment pour but et effet de faciliter, fluidifier et apaiser les débats entre professionnels n’ayant ni les mêmes jargons, ni les mêmes critères de référence, et surtout, des échelles de chronologie bien spécifiques (chercheurs des universités ou de laboratoires de recherche concernés par la recherche fondamentale ou appliquée, ingénieurs et marketeurs de l’entreprise intéressés par l’exploitation commerciale, le ROI de l’exploitation directe ou indirecte via des concessions de licence à des tiers, sans oublier les juristes des Parties).

Assurément, toute technique ayant pour but de dépassionner les débats en organisant des bases et critères objectifs des Projets est a priori valable en soi et, il ne fait nul doute que la question vaudra la peine d’être posée quant à la mise en place d’une telle coordination lors d’un prochain projet de ce type.

D’ailleurs, il semble que la méthode a déjà porté ses fruits de manière efficace : http://business.lesechos.fr/directions-juridiques/droit-des-affaires/brevets-et-marques/021956955620-brevets-apaiser-les-negociations-210883.php


L’architecture juridique du Projet, la rédaction des contrats
Au regard du droit des obligations, le contrat de consortium fait partie d'un environnement contractuel dont le consortium est la pierre angulaire entraînant des obligations de faire : investir, mettre à disposition des connaissances antérieures, informer des développements de la recherche, respecter les obligations de copropriétaire de droits résultants de connaissances nouvelles, obligation de ne pas faire : ne pas divulguer des informations listées comme confidentielles, respecter le contrôle des communications ou des diffusions au public par le comité de pilotage, obligation de donner : transmettre les résultats de ses travaux, prêter l'utilisation de ses matériels et équipements, rémunérer...

Lors du montage juridique et de la rédaction des contrats, un soin particulier devrait, nous semble-t-il, être apporté à :
  • La définition des objectifs des parties, les points clés du contrat sans lesquels on ne contracterait pas et le domaine technique d’application du Projet (afin de définir le périmètre de certains droits de propriété intellectuelle ou d’exclusivité). En effet, la plupart des partenaires à un projet ne sont intéressés que par un domaine d’application du projet en particulier. Dès lors, en circonscrivant, à l’intérieur du domaine d’application du Projet, des sous-domaines d’application, il sera plus facile aux partenaires de s’entendre sur les droits et obligations de chacun d’entre eux.
Dans ce contexte, il sera essentiel de préciser le stade dans lequel le Projet figure à la date des prémices des négociations : est-ce une étude, de la recherche fondamentale ou appliquée, un projet de pré-industrialisation d’une solution déjà développée en recherche appliquée, la facilitation du passage de la recherche fondamentale à la recherche appliquée, la conception et fabrication d’un prototype, des essais techniques pré-industrialisation ?
  • La précision des moyens financiers, techniques, matériels ou les compétences apportés par chaque partenaire, le cahier des charges techniques, les étapes du projet, le budget global du projet, et le budget de chaque étape (subventions et avances remboursables), ainsi que les contributions qui devront être réalisées par chacun des partenaires ou par leur sous-traitants qui seront identiquement engagés par les obligations de confidentialité.
  • La bonne gouvernance du Projet est un point essentiel à sa réussite : il y aura lieu de prévoir que le comité de pilotage du projet, son coordinateur, ou le Porteur de projet qui a un rôle prépondérant dans le projet (impulsion, initiative) puissent décider de l’abandon de tout ou partie de certaines contributions, dans l’hypothèse où celles-ci n’apporteraient pas les avantages techniques et/ou économiques escomptés. Ceci permettra de mettre fin, en cours de projet, à certaines contributions qui retardent l’exécution du projet, voire préjudicient à sa bonne exécution.
  • La liste des informations confidentielles détermine l’étendue de l’obligation de confidentialité des partenaires.
Seront confidentielles, les informations qui feront l’objet d’une obligation de non divulgation envers les tiers et certains salariés des parties. Elles seront listées et identifiées (avec le numéro de version et la date de mise à jour), cette liste est tenue régulièrement à jour par le coordinateur du Projet ; le revers de la médaille sera que dès lors que toute information sera non listée, elle pourra être considérée comme non confidentielle.

Certes, le formalisme est lourd et rigoureux mais crucial en cas de besoin de preuve de non-divulgation fautive des brevets futurs encore non protégés.

A ce titre, les procédures de contrôle des publications et des communications sont confiées au Comité de pilotage.
 
Une mention spéciale sera faite aux connaissances antérieures, aux connaissances nouvelles du Projet et au sort des évolutions futures des connaissances nouvelles dans la seconde partie de cet article, dont la publication est prévue le 9 juin 2016.