BLOG Innovation
Retour
19/06/2020

> Actualité droit de la propriété industrielle et intellectuelle

Entrée en vigueur de la seconde partie de la nouvelle Loi des marques

Nouvelle Loi des marques
Crédits photo : AFP

L'entrée en vigueur, le 01/04/2020  du décret n° 2019-1316 du 9 décembre 2019 pris pour l’application de l’Ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 relative aux marques de produits ou de services (seconde partie) s'est faite relativement discrète.
 
Il nous semble nécessaire d’attirer votre attention sur ces quelques points qui nous semblent les plus prégnants :
 
La définition légale d’une marque a été élargie, les marques peuvent désormais être constituées des éléments suivants :

  • Un élément verbal,
  • Un logo (noir et blanc ou couleurs),
  • Une forme tridimensionnelle (récipient, conditionnement ou le produit lui-même),
  • Une position : façon spécifique dont la marque est placée ou apposée sur le produit (place, proportion…),
  • Un motif répétitif et régulier,
  • Une couleur unique et sans contours,
  • Une combinaison de couleurs (agencement systématique uniforme et prédéterminé),
  • Des sons ou une combinaison de sons (fichier audio ou partition musicale),
  • Un mouvement ou un changement de position des éléments de la marque (fichier vidéo ou série d’images fixes séquentielles montrant le mouvement ou le changement de position),
  • Marque multimédia : une combinaison d’image et de son (fichier audiovisuel),
  • Marque composée d’éléments ayant des caractéristiques holographiques (fichier vidéo ou reproduction graphique permettant l’identification suffisante de l’effet holographique complet).
 
Des modifications substantielles de la procédure d’opposition

Plusieurs droits pour s’opposer à l’enregistrement d’une marque
La procédure d’opposition à l’encontre d’une demande de marque française, ou de la désignation française d’un enregistrement international, peut désormais être fondée sur un ou plusieurs droits antérieurs (auparavant, l’opposition ne pouvait être basée que sur un seul droit).
Classiquement, tous les droits invoqués doivent appartenir à un seul et même titulaire (la partie qui s’oppose à l’enregistrement de la demande de marque, seconde).
Rappelons la nouvelle liste des droits antérieurs permettant de s’opposer à l’enregistrement d’une marque postérieure d’un tiers (nouvelle rédaction de l’article L712-4 du Code de propriété intellectuelle). Ces dispositions élargissent le nombre de droits antérieurs pouvant être invoqués dans le cadre d’une opposition :
  • Une marque antérieure en application (1° du I de l'article L. 711-3) ;
  • Une marque antérieure jouissant d'une renommée en application (2° du I de l'article L. 711-3) ;
  • Une dénomination ou une raison sociale, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ;
  • Un nom commercial, une enseigne ou un nom de domaine, dont la portée n'est pas seulement locale, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ;
  • Une indication géographique enregistrée (article L. 722-1) ou une demande d'indication géographique sous réserve de l'homologation de son cahier des charges et de son enregistrement ultérieur ;
  • Le nom, l'image ou la renommée d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public de coopération intercommunale ;
  • Le nom d'une entité publique, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public.
La nouvelle procédure prévoit deux phases, s'apparentant à la procédure d'opposition devant l'EUIPO à l'encontre des demandes d'enregistrement des marques européennes, à savoir : 
 
* Dans les deux mois de la publication de la marque à l’encontre de laquelle on souhaite s’opposer :
  • Dans un premier temps : déclaration d’opposition formelle avec paiement de la redevance d’opposition (dont la partie variable dépend du nombre de droits antérieurs employés comme fondement de l’opposition) ;
  • Dans un second temps : dépôt de l’exposé des moyens (dans le mois qui suit la déclaration formelle).
* Commencement de la procédure contradictoire. Comme chacun sait, le principe du contradictoire est un principe général du droit existant dans toute procédure, qu'elle soit civile, administrative, pénale ou disciplinaire. Il signifie que chacune des parties a été mise en mesure de discuter l'énoncé des faits et les moyens juridiques que ses adversaires lui ont opposés. En latin : Audiatur et altera pars = « l'autre partie doit être entendue ».
La procédure est stricte et encadrée : réponse à l’exposé des moyens de l’opposition, jeux d’observations dans des délais fixés par l’INPI, éventuellement observations orales pendant une audition de l’INPI.
Elle peut être suspendue (trois fois au maximum, pour une durée maximale de 12 mois).

A la terminaison de la phase « Contradictoire », la procédure est officiellement clôturée.
In fine, dans les 3 mois de la date de la clôture de la procédure contradictoire, c’est le Directeur Général de l’INPI qui rend une décision officielle ; appelable devant la Cour d’appel de Paris.
Le défaut de décision vaut rejet de l’opposition.
 
 
Le caractère absolument essentiel de l'exploitation de la marque et des preuves à apporter aux fins de prouver l’usage de la marque dont on est titulaire.

Les registres des marques sont encombrés, depuis fort longtemps.
Nous le constatons dans notre pratique quotidienne du droit des marques : il est de plus en plus difficile d'en trouver une qui serait totalement disponible.
Or, l’enregistrement d’une marque équivaut à la réservation d’un monopole d’exploitation : un droit d’une durée de 10 ans sur un signe donné et enregistré pour des produits et services donnés.

La volonté publique est de désengorger les registres des marques, des signes non effectivement exploités dans le commerce et la vie économique.
Pour cela, à l’instar de la pratique du droit des marques en Chine et de l'Union européenne, le législateur français durcit les conditions de l’opposition et prévoit dans les nouvelles dispositions législatives, un nouvel article L712-5-1 du Code de la propriété intellectuelle : le rejet de l’opposition basée sur une marque antérieure enregistrée depuis plus de 5 ans qui n’aurait pas été exploitée pendant la période de cinq ans précédant la date de dépôt de la marque contestée, pour tous les produits et services invoqués à l’appui de l’opposition (sauf justes motifs prouvés pour son non-usage).

Il en est exactement de même pour la recevabilité des actions en nullité comme le précise le nouvel article L716-2-3.

Autant dire qu’une marque enregistrée mais non exploitée s’apparente à « un monopole de rien » puisque son efficacité est réduite à peau de chagrin, sinon, néant.
Cela pourrait nous rappeler en droit civil :
- La res nullius, « la chose de personne, chose sans maître, chose sans propriétaire », donc, appropriable (apparentée à la terra nullius, « une terre sans maître, qui n'est possédée par personne » ).
En droit romain de la guerre, les ennemis et leurs propriétés étaient considérés comme des res nullius, biens appropriables par les vainqueurs. 
- La res derelictae, « chose qui a été volontairement abandonnée », fait penser à la marque « volontairement abandonnée » car non exploitée.
 
Il suit des nouvelles dispositions législatives un seul conseil : ne déposez pas des marques que vous n’avez pas l’intention d’exploiter de façon effective, ne monopolisez pas des signes que vous allez abandonner quelques temps après leur enregistrement en tant que marque... sinon, vous les perdrez : déchéance pour défaut d'usage. 
 
 
Répartition nouvelle des compétences entre les tribunaux (TGI) et l’administration des marques (l’INPI).
 
Parmi les modifications majeures de la loi, est la possibilité nouvelle d’introduire des actions en nullité et en déchéance pour défaut d’usage directement devant l’INPI. Antérieurement, l’exclusivité de compétence incombait aux tribunaux judiciaires (TGI). De ce fait, la compétence judiciaire va coexister avec la compétence administrative pour ce qui est des actions en nullité ou en déchéance des marques enregistrées.

Ces profondes modifications procédurales sont rentrées en vigueur depuis le 1er avril 2020.

Voyons comment : 

A. Actions en nullité (L 716-1)
 
Actions en nullité Nouvelle loi de


Une remarque s’impose, laquelle intéressera les rédacteurs de contrats de licence de marques pour leurs clients titulaires de marques. A compter du 01/04/2020, ils auront tout intérêt à très précisément définir (limiter ?) les droits incombant au licencié exclusif, notamment sa capacité ou non à introduire devant l’INPI les actions en nullité relative basées sur l’existence de droits antérieurs car les licenciés exclusifs en ont désormais le droit.
L’article L.716-2 (2°) du Code de la propriété intellectuelle le prévoit expressément, alors que sous l’empire de l’ancienne loi relative aux marques, son ancien article 25 précisait :« 1. Est déclaré nul l'enregistrement d'une marque qui n'est pas conforme aux dispositions des articles 1er à 4. (…) Seul le titulaire d'un droit antérieur peut agir en nullité sur le fondement de l'article 4 (lequel précisait les droits antérieurs opposables à une marque) ».

B. Actions en déchéance (pour défaut d'usage et généricité de la marque)

 
Actions en déchéance Nouvelle Loi
 
Le titulaire de marque est donc plus que jamais responsable de l’exploitation de sa marque et que celle-ci ne devienne pas, dans le langage courant du secteur professionnel en question, la désignation usuelle du produit ou du service ou de l’une de ses qualités recherchées par toute sa concurrence sur le marché dans lequel il est partie prenante, acteur.